Il existe de nos jours des abus de langage et des montages linguistiques totalement déconnectés de la réalité et des fondements qu’ils ont pu incarner un jour à leur usage primaire. Le mot progrès par exemple est utilisé aujourd’hui uniquement dans un sens subjectif et pragmatico-utilitariste pour faire comprendre indirectement que le cheminement vers la modernité est conditionné avant tout par deux démarches indispensables que sont : la rupture radicale en terme de valeurs avec le passé et l’adoption de la techno-science comme nouvelle religion du genre humain. Sans ces deux conditions, nous dit l’idéologie progressiste, il n’y a pas de progrès.
Mais, qu’entendons-nous réellement par progrès ? Au-delà de l’incontestable progrès matériel, y’a-t-il réellement aussi un progrès de l’esprit, des valeurs et de l’humanité en général, comme se sont efforcés de le prêcher à travers leurs œuvres depuis les Lumières certains philosophes comme Hegel ? Ou derrière les associations de mots, des apparences de la commodité et du bien être matériel dont jouissent les modernes, il n’y a pas réellement de progrès au vrai sens du terme, mais une chute avérée des valeurs et une généralisation phénoménale des insatisfactions intérieures ?
Sans préciser à l’heure de vérité de quel progrès s’agit-il réellement, les apôtres du scientisme et les experts de la modernité, anesthésient et façonnent méthodiquement et suivant les impératifs du nouvel ordre libéral, l’imaginaire des peuples (un imaginaire constamment suggestionné, et apte depuis plus d’un siècle déjà à accueillir avec enthousiasme de telles manœuvres), le tout à coup de massives campagnes de propagandes médiatiques sublimino-mensongères destinées à stimuler les instincts les plus bas de l’homme, suivant la méthode pavlovienne (1), afin que le pantin des temps modernes (un homme à la solde de ses organes sexuels et de son pouvoir d’achat), assimile sans aucune résistance tous les discours dominants, lui ventant comme une vertu les mérites du progrès techno-scientifique, présenté comme solution finale à tout les problèmes existentiels de l’humanité et unique motif d’espérance (2). Dans la configuration actuelle du monde, le nouvel ordre « libéral-libertaire » gouvernant, a donc pour objectif net et précis, d’accomplir enfin cette fameuse organisation scientifique de l’humanité ; le remaniement du « Droit », la dissolution des liens (ce que les libertaires appellent « évolution des mœurs »), et la diabolisation des religions, ne sont que des étapes nécessaires à la concrétisation de cette utopie de départ, devenue progressivement réalité (3).
Derrière la corruption linguistique, il y a donc forcément faillite d’un système, qui pour cacher tous les défauts et nuisances qu’il génère, n’a d’autre recours que de s’auto-idéaliser (à coup de mythes et d’icônes) ou de décourager empiriquement toutes les entreprises critiques qui visent à le mettre en cause ou à le remplacer (la fameuse récupération de toutes les révoltes par le système), afin qu'au pire des cas il demeure dans l’esprit des gens comme étant l’ordre le moins pire possible (après tout, c’est toujours mieux chez nous qu’ailleurs).
Est-il possible de saisir la métaphysique d’un système (démarche parfois impérative avant la pratique) tout en étant à l’intérieur de ce dernier, si les codes d’expression utilisés par ses composants (le langage, la culture..etc), sont entièrement viciés et loin de la vérité ?
Autrement dit, par la même logique qui a vue déconstruire le mot progrès, d’autres « mots clés » comme : savoir, science, spiritualité ou tradition…, faisant référence à des principes transcendants, bien identifiés de tous les hommes naguère, ont été depuis le « virage scientiste », travestis et privés de leur valeur significative, jusqu’à ne plus rien exprimer de concret pour l’animal cartésien qu’est l’homme d’aujourd’hui.
Cependant, une des raisons majeures de l’abus de langage si caractéristique de la mentalité moderne et de la généralisation des méthodologies simplistes (4), réside dans la contraction de la matrice des valeurs humaines durant les trois siècles derniers, autour des seuls critères matériels et scientistes, au détriment d’autres notions immuables sur lesquelles se sont toujours articulées les sociétés anciennes ; notions dont le sens profond s’est effrité progressivement jusqu’à générer la crise du sens et des valeurs que connaît le monde moderne et qui devient la marque de fabrique de notre époque. C’est qu’un langage déconnecté de la réalité et qui n’exprime guère que des « contre-sens », devient un atout majeur en main d’un système piloté par des élites décadentes, dont la seule finalité de vie est la conquête du pouvoir et la manipulation systématique d’autrui en vue de préserver et maintenir ses propres privilèges. Il en va de soi aussi pour toutes les entreprises de « détraditionalisation » ou de complexification de l’« évident » pour le rendre inintelligible voir irrationnel aux yeux de l’homme ordinaire qui devant le « chao intellectuel » généré par le paradigme progressiste et face à l’oppression de la quotidienneté, limite son horizon intellectuel au seul management du « court terme », jusqu’à finir par s’en convaincre que le meilleur enseignement métaphysique à tirer de la vie, c’est de traverser cette dernière en « ayant profité un max », sans se soucier du reste (« la mort on verra après »).
Si la mentalité est un socle de conceptions transgénérationnelles que tout homme assimile dans une société au contact de ses proches semblables, les dynamiques sociales qui sont à l’origine de son altération, sont quant à elles difficiles à cerner dans la mesure où elles sont souvent à l’œuvre à travers un processus long et imperceptible à l’échelle d’une vie humaine. Ainsi, ce qui est toujours reconnu par les hommes à l’intérieur d’une société articulée sur le « transcendant » comme étant de nature « supra humaine » et intemporelle (puisqu’il est majoritairement admis au sein de cette dernière qu’il n’est pas une production humaine), dans le monde moderne qui nie par toutes les voies tout ce qui n’est pas soumis aux lois de la mesure et de la rationalité, n’est considéré que comme « superstition » ou vieil héritage du passé, à vite dépasser au profit des exigences du « présent contexte » ou du dérisoire désir humain (5).
L’usage inapproprié et tout azimut de certains mots dans le langage courant, l’attachement exclusif et l’excellemment dans tout ce qui est en rapport avec « l’existence manifeste », sans intégré un seul instant dans son raisonnement, ni chercher à assimiler des critères d’ordre supérieures, sont amplement la confirmation que quelque chose a du se modifier en cours de route pour que les valeurs de l’homme contemporain soient exactement à l’opposé de l’idéal de ses ancêtres ; pour que ce qui signifiait autrefois un fait, décrit de nos jours tout son contraire. Ce renversement des clartés et cette perte qualitative du langage altère évidemment la perception des hommes de la réalité existentielle qui les entoure et constitue aujourd’hui l’obstacle majeur à l’accession à la véritable connaissance. Ce qui explique d’ailleurs tous les rejets et blocages mentaux dont font preuve actuellement nos contemporains à l’heure d’être confrontés à des vérités qui sont au dessus de la raison humaine. Et c’est là ou se situe principalement la subtilité de l’ère moderne : « engendrer des êtres en pérenne contradiction avec eux-mêmes mais incapables de s’en apercevoir », puisqu’ils n’ont jamais connu d’autres conceptions mis à part les standards modernes qu’on leur a inculqués. Au delà des illusions et pour clore cette première partie introductive, nous dirons qu’à l’examen profond des mécanismes et principes sur lesquels repose la mentalité moderne, nul doute que cette dernière ne tient sur rien de valide, puisqu’ elle n’est ni plus ni moins qu’une « vaste suggestion collective qui s’exerce depuis des siècles » pour reprendre une formule de R. Guénon, qui à travers le mémorable passage suivant a presque tout dit à ce sujet :
« L’attitude matérialiste apporte dans la constitution psychologique de l’être humain une modification importante et il n’y a qu’à regarder autour de soi pour constater que l’homme moderne est devenu imperméable à toute influence qui ne tombe pas sous ses sens ; non seulement ses facultés de compréhension deviennent de plus en plus bornées, mais le champ même de sa perception s’est également restreint. Les profanes et tous ceux qui sont affectés de l’esprit moderne nient tout ce qui les dépasse car toutes leurs études et toutes leurs recherches, entreprises à partir d’un point de vue faux et borné, ne peuvent aboutir qu’a la négation de tout ce qui n’est pas inclus dans ce point de vue. Ils sont en plus tellement persuadés de leur « supériorité » qu’ils ne peuvent admettre l’existence ou la possibilité de quoi que ce soit qui échappe à leurs investigations. Dans la civilisation moderne tout apparaît comme artificiel, dénaturé et falsifié ce qui entraîne forcement que la mentalité moderne, elle aussi, est fabriquée. La falsification du langage, l’emploi abusif de certains mots détournés de leur véritable sens, emploi imposé par suggestion constante de la part de ceux qui exercent de l’influence sur la mentalité publique… » « Au degré de confusion où est parvenu la majorité de nos contemporains, les associations de mots les plus contradictoires n’ont rien qui puisse les faire reculer, ni même leur donner simplement à réfléchir » (René Guénon - Le règne de la quantité et les signes de la fin des temps)
Deuxième partie (bientôt disponible)
(1) « Pavlov a pris un objet neutre [la cloche] et l'a associé à un objet significatif [pour le chien, la viande], transformant le premier objet en symbole du deuxième; c'est grâce à la visualisation qu'il a réussi à ajouter une valeur au deuxième objet. C'est ce que nous essayons de faire avec la publicité moderne. » (Wall Street Journal, 19 janvier 1984)
(2) Une espérance foncièrement terre à terre, et de plus en plus physiologico-sentimentaliste : refus par tout les moyens de vieillir, désir permanent de jouir, envie de toujours posséder plus…Il n’existe pas de secteur ou de telles vulgaires aspirations s’affichent sans complexes au grand jour que dans la publicité : « rester toujours jeune et belle avec la crème..», « la liberté n’a pas de prix au volant de...»
(3) Idée que l’on trouve clairement formulée déjà au 19ième siècle dans les écrits des pères fondateurs de la Gauche (plus précisément dans les œuvres de Fourrier et du compte Saint Simon), mais dont la Droite patriarcale puis libérale par la suite, a mis les moyens nécessaires pour sa réalisation concrète, à mesure qu’elle s’est accommodée aux avantages et privilèges du monothéisme du Marché.
(4) Des méthodes qui tentent de rationaliser tous les compartiments de l’existence et à expliquer tout par les sciences modernes et par l’Histoire envisagée, uniquement du point de vue marxiste (le matérialisme historique) ; mettre tout à la portée de n’importe qui, par une abondance de productions mercantiles qui vulgarisent tout Pour les Nuls y compris la religion. S’il suffisait juste de lire des résumés pour acquérir la sagesse, nous serions alors dans le meilleur des mondes !
(5) C’est par ce processus que les catholiques eux-mêmes ont vidé leur religion de sa substance par un détachement rituel et dogmatique vis-à-vis de cette dernière, et que certains intellectuels issus de l’islam font pareil de nos jours en proposant l’idée de laïciser ou moderniser l’islam. Ce qui est une démarche purement contradictoire et hypocrite, car ou bien l’on croit à l’immuabilité d’un message religieux, en admettant la suprématie de sa doctrine sur le temporel, ou bien on le considère comme pure production humaine est l’on est dans ce cas dans l’univers de la mécréance. Il ne peut exister de posture intérimaire dans ce domaine tant les postulats de la modernité libérale, et les tendances « sécularisatrices » qui dirigent actuellement le monde, ont pour uniques critères de gouvernance : une éphémère « éthique du moment » (qui de l’utopie droit-de-l’hommiste et de l’idée de liberté, issue de l’esprit des Lumières, ont dégénéré de nos jours en la pervers réalité du libertinage de masse et en droit d’ingérence de l’Occident sur les autres peuples, au nom des valeurs de la modernité), et au nom du Marché Dieu.
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