Nous venons de dire dans la précédente chronique que l’histoire atteste que l’esclavage fut bien pratiqué en Occident depuis fort longtemps, et qu’il en est pareil pour l’Orient qui fit de même à sa manière ; que se soit par les civilisations qui virent le jour en extrême, Moyen ou Proche-Orient, elles pratiquèrent toutes l’esclavage dans ses proportions les plus condamnables. La civilisation arabe (1) d’avant l’islam (que l’on confond souvent avec la « civilisation musulmane »), ne fut pas une exception à cette règle. Cependant c’est de cette même « non distinction » entre les arabes païens d’avant l’islam et ceux d’après (en majorité musulmans) qu’il faut envisager l’examen de la question de l’esclavage en terre d’islam. Cette dernière en tant que religion à vocation universelle combattit l’esclavage dès son apparition dans la péninsule Arabique. C’est à partir de cet angle de vue là qui constitue pour nous la base même de notre exposé, qu’il convient de juger la civilisation musulmane en prenant comme référence ses sources originelles, en remontant l’histoire ; il ne serait pas honnête de procéder en mode inverse, comme on le fait actuellement en Occident, en se focalisant uniquement sur le comportement de certaines de ses dynasties qui furent notoirement « impies » ou en exposant uniquement certains faits historiques et occultant volontairement d’autres.
Al-Ouboudia en terre d’islam :
Indéniablement on ne saurait comparer l’esclavage pratiqué en islam à celui de l’empire romain ou de l’Europe « négrière ». Pour répondre à la question qui est à l’origine de tant d’idées préconçues en Occident sur l’islam et qui est le pourquoi de la non abolition pure et simple de l’esclavage en islam par le Coran ou par le prophète lui-même (alors guide incontestable pour la communauté et garant légitime de la loi religieuse), comme ce fut le cas avec d’autres interdits comme le vin ou l’adultère, il convient d’envisager les choses avec plus de largeur d’esprit pour tenir compte de plusieurs réalités de l’époque.
Au début de l’islam et dans une société arabe encore sous l’influence de certains moeurs de l’époque préislamique de la Jahiliya (période tribale d’avant l’islam, dit aussi « d’ignorance »), les hommes les plus influents et hautement considérés parmi leur tribu étaient ceux qui détenaient le plus de richesses, descendaient d’une lignée noble et nombreuse ou qui possédaient le plus grand nombre d’esclaves. A une époque où les musulmans étaient encore en infériorité numérique, rallier ces chefs de tribus à la nouvelle religion, permettait non seulement l‘adhésion de tout un clan (y compris leurs esclaves) à la cause de l’islam, mais aussi d’agrandir les rangs de l’armée musulmane constamment harcelée à cette époque là par ses ennemis.
De même à une échelle régionale, il était monnaie courante que les esclaves soient faits prisonniers de guerre en cas de conflit armé entre deux nations ennemies, quand ils n’étaient pas massacrés. Abolir l’esclavage à cette période n’aurait pas permis aux musulmans arabes de rivaliser longtemps par le nombre avec les autres armées avoisinantes en cas de guerre et aurait mis immédiatement en danger les territoires musulmans. C’est donc aussi par une logique militaire que l’esclavage fut toléré au début de l’islam.
Cependant nul historien impartial ne saurait contester le fait que la char’ia (Loi islamique) alla progressivement par étapes dans le sens de l’abolition de l’esclavage en décrétant un système d’encadrement de cette pratique qui devait l’amener progressivement vers l’extinction.
Contrairement donc à l’Occident où il a fallut attendre l’avènement du moralisme laïc pour abolir complètement l’esclavage, la civilisation islamique l’élimina graduellement par un processus « traditionalo-religieux » qui bien qu’il toléra l’esclavage au début, s’efforça par tous les moyens de la rendre par la suite le plus humainement supportable pour les esclaves eux-mêmes.
Si l’enseignement de l’islam visait donc à abolir l’esclavage à long terme comme nous venons de le dire, à court terme il fut ramené à un degré d’humanité qu’aucune société avant lui ne connut auparavant. Pour preuve, innombrables sont les cas de soldats qui combattirent l’islam et qui une fois vaincus préfèrent la captivité musulmane à la mort sur le champ de bataille. De plus, la législation islamique assignait aux musulmans propriétaires d’esclaves une série de devoirs et d’engagements à respecter envers les hommes et les femmes qui étaient sous leur responsabilité. En conséquence, le meurtre d'un esclave était puni comme celui d'un homme libre conformément à l’injonction prophétique : « Celui qui tue son esclave, nous le tuerons. » Célèbre aussi est le hadith dans lequel le prophète Muhammad (PBSL) dit : « Vos esclaves sont vos frères, donc celui qui a un frère sous sa dépendance doit le nourrir et le vêtir comme il se nourrit et se vêtit lui-même; ne leur imposez pas de taches qui dépassent leurs forces, et si vous leur en demandez, alors aidez-les. ». Un autre enseignement visait particulièrement le respect de la dignité humaine des esclaves : « Aucun de vous ne devrait dire: «Cet homme, ou cette fille, est mon esclave »; il lui faudrait dire plutôt: « Celui-ci est un homme à moi et celle-ci une fille à moi. ».
Les premiers califes qui succédèrent au prophète (PBSL) après sa mort ne négligèrent à aucun moment les recommandations du Coran et de la Sunna (Conduite du prophète). La tradition retient comme référence le mécénat du calife Omar (Umar Ibn Al-Khattab en islam) envers la cause des esclaves. Ce dernier fut aussi à l’origine d’une législation interdisant à tout musulman de réduire en servitude un autre frère en religion et dont on retient de lui cette célèbre citation : « Comment vous prenez des esclaves, alors qu'ils sont nés libres ? ».
Particulièrement émouvante aussi est l’histoire de l’Abyssinien Bilal, premier muezzin de l’islam et grand chef militaire de l’armé musulmane, dont la tradition accole souvent à son nom le titre prestigieux de sayidouna Bilal à égalité avec d’autres illustres compagnons du prophète qui eux furent des arabes. Bilal fut affranchi de l’esclavage aux premières heures de l’islam par l’ami intime du prophète Abu Bakr, pendant qu’il subissait la torture (2) de la main de son maître Quraychite pour avoir embrassé l’islam.
Plus tard nombreux furent donc les musulmans qui se conformèrent à l’enseignement du prophète et des califes « bien guidés » et qui épousèrent leur esclaves pour suivre les recommandations de la tradition, ou qui à la fin de leur vie affranchirent ces derniers, craignant de comparaître devant Dieu le jour du jugement dernier sans avoir rendu leur pleine liberté à des êtres humains placés sous leur autorité durant leur vie terrestre.
Ne se conformant pas simplement de combattre l’esclavage sur le terrain morale, l’islam promulgua par le biais de la chari’a plusieurs lois qui donnèrent naissance à des méthodes à la fois pratiques et efficaces contre l’esclavage. Elles favorisèrent par la suite l’affranchissement massif d’esclaves que ce soit par leur propres moyens (3) par le billet de la procédure de Mukataba ou par l’initiative de leur maîtres : itq. Ainsi affranchir un esclave a toujours été vu comme l'un des actes les plus méritoires qui soit en islam et plusieurs passages coraniques le recommandent ou même le prescrivent, en particulier pour l'expiation de fautes graves :
« ...Ceux de vos esclaves qui cherchent un contrat d'affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous reconnaissez du bien en eux; et donnez-leur des biens d'Allah qu'Il vous a accordés... » Coran (24:33)
« Et qui te dira ce qu'est la voie difficile ? C'est délier un joug [affranchir un esclave] » Coran (90:12-13)
A partir de toutes ces considérations que nous venons d’exposer, il apparaît clairement que la législation sur l’esclavage fut nettement meilleure et clémente pour les esclaves en terre d’islam, par opposition à celle qu’ils eurent sous l’empire romain ou même pendant les siècles de lumière en Europe.
Concernant l’esclavage militaire, qui fut aussi pratiqué en islam, il est intéressant de relever que les princes qui le pratiquèrent pour recruter des soldats pour leur garde personnelle confièrent à ces derniers un pouvoir considérable et certains d'entre eux furent même les fondateurs de grandes et illustres dynasties, Comme les Toulounides ou les Mamelouks en Egypte.
On ne saurait cependant généraliser les écarts de conduite de certaines dynasties au reste du monde musulman et notamment la dynastie Omeyyade ou Ottoman dont le comportement de leurs califes à quelques exceptions près fut d’une brutalité qui ne se limita pas seulement aux esclaves mais à tous les musulmans opposés à leur politique. Si ces derniers réintroduirent dans l’esclavage des pratiques inhumaines comme la castration en s’inspirant du modèle romain ou les mauvais traitements, se fut toujours par leur propre initiative et non en conformité avec la loi religieuse. De même qu’il ne serait pas raisonnable de mettre sur le dos de l’islam l’esclavage « intra africain » pratiqué encore de nos jours en Afrique subsaharienne par des hommes noirs contre leur semblables et qui existait déjà dans la région avant même l’avènement de l’islam.
Enfin, nous serions incomplets si nous passions sous silence quelques réalités contemporaines qui se produisent de nos jours, que ce soit en terre d’islam ou en Occident, et qui n’ont rien à voir avec la religion dans la mesure où elles sont liées de près à la configuration actuelle du monde moderne ; ainsi par exemple une nouvelle forme d’esclavage « économique » ou « intracommunautaire » (4) fit son apparition au Maghreb et au Moyen-Orient et a tendance actuellement de plus en plus à se généraliser du fait de la disparité de la Ummah et des inégalités toujours croissantes qui frappent ses populations. Cette nouvelle forme d’esclavage « domestique » que l’on pourrait désigner aussi par le terme de « servitude salariale » touche particulièrement les musulmans issus des classes pauvres, qui sont souvent en difficulté matérielle ; elle constitue indiscutablement une « régression » dans le droit musulman qu’il convient de condamner sans répit car elle va à l’encontre de tout ce que enseigne la tradition musulmane.
Que dire aussi de cette forme d'esclavage créée et exportée par l'Occident moderne et qui est menaçante au même degré que toutes les autres, dans la mesure où elle aliène non seulement le corps de l'homme mais aussi son âme et son esprit. Nous voulons parler de l'esclavage du travail uniquement motivé par des logiques marchandes (profit commercial, l'intérêt de la nation...) et qui est derrière tous les malheurs qui frappent l'humanité de nos jours. Initié dans le passé par le stakhanovisme soviétique, le « surtravail » a trouvé largement son compte également dans le « libéralisme » et semble dépasser de nos jours les frontières du monde anglo-saxons pour s'exporter partout. Ainsi, sous prétexte de croissance ou de possibilité de consommation, il n'est plus choquant pour personne de cumuler plusieurs emplois à la fois y compris pour les femmes et les personnes âgées. A quoi bon sert à une société de se gargariser d'avoir aboli la pratique de l'esclavage « classique », si en retour elle invente une autre forme d'esclavage beaucoup plus dangereux et grave ?
La mise en place du modèle « libéral » caractérisé par l’équation « travail/consommation » et qu’on impose maintenant à tous les peuples de la planète, est elle-même une façon subtile d’esclavage, dans la mesure ou elle enlève à l’homme doucement mais sûrement toute sa dignité pour le réduire à n’être plus qu’une vulgaire unité de production industrielle et un maillon faible d’un système exclusivement matérialiste. Ce même système enlève à l'homme d'aujourd'hui, toute possibilité de s'élever à la « Suprême Vérité », pour ne lui reconnaitre comme qualité que son « capital-production » ou son pouvoir d''achat.
Si nous n’éprouvons aucune peine à admettre que l’homme moderne a réellement aboli l’esclavage classique, nous ne sommes pas dupes qu’il a créé des horreurs beaucoup plus désastreuses que l’esclavage lui-même. Car en dépouillant l’homme de sa religion et en l’éloignant de sa vocation spirituelle inhérente à sa nature, on en a fait un véritable esclave malgré lui, dans tout ce que ce mot a de plus inhumain.
(1) Cette dernière pratiqua l’esclavage bien avant l’arrivée de l’islam. Elle forme actuellement le 5% de la proportion numérique de la communauté musulmane mondiale.
(2) Se référer à notre article dans Al-Sira sur cet épisode de la biographie du prophète Muhammad (PBSL).
(3) L’esclave pouvait racheter sa liberté en économisant de l’argent qu’il gagnait par son travail et dont l’état complétait le reste, le tout sans que le maître ne s’oppose à cette démarche.
(4) Dans ces pays, cette forme d’esclavage moderne, s’est construite sur les vestiges de la mentalité coloniale que les occidentaux ont laissé derrière eux en Orient.
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