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    Souhayl.

    CHRONIQUE : Estime de soi - Respect d'autrui
    par Souhayl. A

    La perte des valeurs traditionnelles, la déstructuration familiale, l’exhortation continuelle à la réussite matérielle et à l’égoïsme jouisseur, la perte de la solidarité, du sens collectif et du respect des anciennes sagesses, etc… toutes ces tares propres à l’homme moderne concourent à poser la question de plus en plus inévitable de la validité morale et humaine de l’actuel modèle de civilisation (1), qui rappelons-le s’articule de nos jours essentiellement sur le progrès technique et la croissance économique, et cela dans toutes ses déclinaisons, qu’elles soient philosophiques, politiques ou sociales.

    La disparition progressive des valeurs universelles que sont le don de soi, l’altruisme, la générosité, l’empathie, si absentes chez les nouvelles générations hyper-superficielles et matérialistes nous laissent à penser que la fameuse « guerre de tous contre tous » que Hobbes ainsi que d’autres philosophes libéraux, ont identifiés il y’a plus de trois siècles de cela, à une époque traumatisante pour l’Europe, est non seulement quelque chose qui est de l’ordre du « ressentiment », mais se confirme bien de nos jours dans les faits et plus concrètement dans la plupart des compartiments de la vie moderne.

    Cette vision négative et maléfique de l’être humain apparue avec la modernité, théorisée par ceux qu’on nommera par la suite « les philosophes du soupçon », puis confirmée comme dogme par le darwinisme économico-politique (2), qui dans le cadre du nouvel ordre mondial nous impose la compétition individuelle et collective entre les hommes comme s’il s’agissait d’une loi naturelle --légitimant au passage l’écrasement des faibles par les forts-- est en réalité une des pires thèses que l’idéologie moderne a produite.

    Les anciennes traditions quant à elles, nous enseignent que l’homme naît avec une disposition particulière au bien et à la vérité (disposition que l’islam nomme fitra), et qu’il est par contre, tout à fait capable d’adhérer au mal toujours par sa propre volonté, surtout si le contexte dans lequel il évolue est propice à cela, ou aussi si son éducation et parcours personnel l’y encouragent. L’homme n’est donc pas le mal incarné par nature, mais peut être source de mal par les choix qu’il entreprend durant sa vie (3). C’est éventuellement ce qui arrive à notre époque que l’on nous vend souvent comme celle du progrès et du bonheur pour tous, où en réalité le mal ne cesse de gagner du terrain et ses promoteurs d’empêcher les esprits de penser avec justesse et clarté la réalité du monde contemporain qui les entoure. Monde qualifié par toutes les grandes religions du salut comme étant la phase finale et l’ultime époque de « fin des temps ».

    Ainsi, l’hindouisme traditionnel enseigne à ce sujet que l’homme évolue au sein d’un cycle cosmico-spirituel nommé « Manvantara » qui est lui-même divisé en quatre grandes phases allant de la plus pure spirituellement (en quelque sorte l’age d’Or) --qui est aussi la première dans l’ordre-- jusqu’à la quatrième et dernière qui est celle de l’obscuration ou de la déchéance spirituelle (age de Fer ou Kali Yuga). Le Coran dit aussi à ce sujet dans un de ces versets clés : « Nous avons créé l’homme avec une parfaite disposition (spirituelle), et nous l’avons fait régresser aux plus bas degrés, excepté ceux qui ont préservé leur foi intacte et ont bien ouvrés… » (95 : 4-6). Le christianisme quant à lui, ne s’est désolidarisé avec cette vision cyclique de l’itinéraire humain au profit d’une vision linéaire-progressiste qu’avec Saint Augustin, un des premiers auteurs à introduire dans le christianisme la notion de « péché originel » (4). Ainsi, si actuellement l’homme est un loup pour l’homme, ce n’est pas en raison de sa nature congénitalement mauvaise, mais parce que le système dans lequel il vient au monde est déjà inique et perverti par le mal. Si nous insistons tant à clarifier ce point, c’est en raison de son influence majeure sur la mentalité moderne qui s’agite souvent à aller de l’avant sans but défini et sans tirer aucune leçon du passé. Tout en méprisant donc les anciennes sagesses, la civilisation moderne se fabrique des mythes et des philosophies fallacieuses (5), qui lui permettent aujourd’hui de s’autosuggestionner à entretenir l’illusion qu’elle est l’incarnation parfaite du progrès.

    Dans un monde corrompu et peuplé de démons, dominé par les apparences et dénoué de verticalité ou de véritable projet humain, la rédemption individuelle et le redressement collectif des mentalités ne peuvent commencer qu’aux portes de l’homme pleinement conscient, qui doit apprendre seul à s’autogérer, à dompter par le biais de la spiritualité ses propres passions et influences négatives et cela à travers les multiples épreuves que le destin lui parsème durant son cheminement terrestre. Posture qui peut paraître défensive, mais qui s’explique entièrement par le contexte et l’époque qui ne sont nullement avantageux pour ceux qui se posent encore les bonnes questions ou qui se soucient de leur devenir dans l’au-delà. C’est la raison pour laquelle la vigilance doit être de mise et l’effort continuellement redoublé au risque de se faire balayer par les torrents du « tout et du n’importe quoi ».

    Pour se faciliter donc la tache et pouvoir disposer pleinement d’un socle de valeurs qui procurent la paix de l’âme, la tranquillité et la vie heureuse, il existe plusieurs démarches qu’un homme honnête non aliéné peut encore entreprendre durant sa vie pour garder le bon cap, à commencer par la quête de la vraie connaissance (par l’apprentissage et la bonne lecture, ne dit-on pas d’ailleurs que « le savoir rend libre » ?), le tri dans son entourage propre et fréquentations directes, l’enracinement religieux et spirituel, la redéfinition et le recadrement de son temps ou de l’espace qui l’entoure, l’exode géographique s’il le faut (6), etc…Autant de possibilités libératrices que peut générer l’intelligence humaine afin de permettre à l’homme d’accéder à une véritable estime de soi par l’harmonie parfaite des actes avec les principes : agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre disait avec sagesse H. Jonas.

    Quant au respect de son entourage proche et de sa progéniture il s’accomplit d’abord par un accès digne à l’éducation, à la vraie éducation ; non se contenter de celle délivrée par l’école laïque ou les instances étatiques, qui l’on sait de nos jours ne sont plus des labels neutres, mais bien des pôles de formatage idéologique destinés à forger les nouveaux esclaves des temps libéraux (7). C’est aussi leur garantir un environnement en accord le plus possible avec les principes que l’on défend et ceux auxquels l’on croit, non se confiner aux paroles et à la moralisation d’autrui, sans donner l’exemple par soi même comme c’est le cas de beaucoup de parents adeptes d’une religion à laquelle ils adhérent plus par le mental et les mots, que par les actes et le dogme, et qu’ils cherchent en plus imposer à leurs enfants comme pour façonner un idéal qu’ils n’ont jamais pu réaliser pour eux même.

    En parallèle, le respect des autres, devise essentielle en vue d’une responsabilité mutuelle et de la réalisation d’une paix juste et universelle, passe essentiellement par une réelle connaissance de soi même en acquérant un certain esprit critique et en prenant le temps nécessaire pour son propre questionnement intérieur : « Quel est mon but dans la vie ? », « Qui y’a-t-il de plus essentiel dans la vie ? » « Comment le savoir et que dois-je faire pour y parvenir ? »…Autant de questions qui définissent parfois d’où l’on vient et qu’est ce que l’on exporte comme valeurs. Le rôle de la vraie spiritualité et de toutes les religions révélées (8) est de transcender l’esprit humain en lui apprenant par l’intellect et le rite à dépasser le cadre de sa petite existence matérielle pour appréhender de plus haut des notions immuables et beaucoup plus déterminantes pour son destin, que tous les montages terrestres produits par l’homme qui tendent à le noyer continuellement dans les subtilités de la vie ordinaire.

    Au carrefour de la post-modernité et après trois siècles de scientisme et d’égarement libéralo-socialiste, il est clair que le réveil des consciences ne se fera pas par le « projet politique » ou par le simple changement de paradigme, mais par une alternative spirituelle crédible qui ne doit nullement innover ou réinventer la vie, mais doit avant tout être entièrement enracinée dans ce que les grandes religions ont déjà fournies comme socle solide de valeurs spirituelles pour les actualiser et les rendre à nouveau intelligibles à la mentalité de notre époque qui s’est fort dispersée dans le futile et l’insignifiant.
    Par spiritualité, il ne faut nullement entendre mysticisme, sectarisme ou techniques de guérisons comme celles qui sont en vogue de nos jours grâce aux multiples courants spiritualistes qui profite actuellement de la misère intérieure engendrée par l’athéisme et le laïcisme pour vendre à quelques malheureux leur catalogue rempli de mensonges, mais plutôt l’effort intérieur continuel, rythmé et encadré par un système religieux transcendant, valide et déjà validé ; clairement défini dans sa doctrine et son culte, qui agira comme catalyseur en vue de régler son intériorité à l’heure des lois cosmiques qui régissent l’univers extérieur. Il est donc fort déconseillé dans ce domaine de faire cavalier seul par souci d’originalité ou autre, mais d’avoir l’humilité de se soumettre à un ordre immuable qui nous dépasse, de faire allégeance dans le cadre d’une démarche religieuse sincère à des notions qui sont invariables depuis la nuit des temps. Et de ce point de vue nous ne serions que d’accord avec V-L Beaulieu quand il affirme : qu’en spiritualité, il est dangereux de marcher seul... Car l'essence de la vie intérieure, c'est l'obéissance.

    (1) Se référer à nos anciennes chroniques sur la critique de la société moderne, notamment : « Mythes & impostures de la modernité », « Les sentiers de l’égarement » ou encore « Vers une nouvelle ère spirituelle ? »
    (2) Voir plus exactement notre deuxième chronique sur les « Mythes et impostures de la modernité ».
    (3) A ce sujet le Coran dit : « Tout bien qui t’atteint vient de Dieu, et tout mal qui t’atteint vient de toi- même…(Coran 4 :79). C’est également dans ce sens qu’il faut comprendre la citation de P. Ricoeur quand il affirme : « Dire que l’homme est faillible, c’est dire que la limitation propre à un être qui ne coïncide pas avec lui-même est la faiblesse originaire d’où le mal procède. »
    (4) Voir également notre article sur « La notion du péché en islam ».
    (5) Voir la série de chroniques (1, 2 et 3) sur les « Mythes et impostures de la modernité »
    (6) Nécessaire surtout en temps de persécution physique. Ainsi dans une célèbre scène du Coran qui décrit la misère d’un groupe de damnés de l’enfer, qui avancent pour justifier leur situation malheureuse dans l’au-delà le fait qu’il furent opprimés et écrasés par les élites qui les gouvernaient durant leur séjour terrestre ; à leurs affirmations, les anges de la mort leur rétorquent : « La Terre de Dieu n’était-elle pas assez vaste pour vous permettre de vous expatrier ? » (Coran 4 :97)
    (7) Voir notre chronique « L’éducation scolaire à rebours » et « L’éducation libérale »
    (8) La survie d’un système religieux, dépend en général de sa capacité à accompagner l’époque, à dynamiser les fidèles autour de la notion de justice qui est le fondement de tout ordre, et à s’inscrire dans l’action équilibrée, non à se complaire dans la passivité et la spiritualité mentale comme le font les religions spiritualistes ou certaines branches de l’ésotérisme oriental. Voir notre chronique 1 et 2 « Vers une nouvelle ère spirituelle ? »

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    Du même Auteur :

    Le progrès des apparences (1/2)
    Mythes & impostures de la modernité (3/3)
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    Mythes & impostures de la modernité (2/3)
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    Dernière mise à jour : 01/08/2014 - Nombre visiteurs : 10007758
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