La crise financière que traverse le monde depuis plus d’un un an maintenant, et qui suivant les dernières indications devrait encore se poursuivre dans les mois à venir puisque sa nature n’est pas de type conjoncturelle mais bien systémique, trouve sa source dans les fondements mêmes de l’économie capitaliste occidentale. Cette dernière, entièrement basée sur le crédit et l’usure, a atteint son point de rupture suite à l’explosion des marchées financiers et la crise des subprimes.
Ces crédits hypothécaires à taux variables, avaient alors été consentis à une clientèle américaine peu solvable, qui par là-même s’est endettée et s’est retrouvée obligée de souscrire de nouveaux crédits pour couvrir des taux de remboursements de plus en plus élevés, alimentant par la même une bulle financière qui ne tarda pas à éclater, créant la situation que nous connaissons aujourd’hui.
Les conséquenses dramatiques de ce « capitalisme sauvage » amènent d’ailleurs aujourd’hui les marchés financiers à se tourner vers un nouveau mécanisme financier à l’apparence prometteur, et bénéficiant d’une structure qui lui est propre, la finance islamique.
Mais ce nouveau type de finance est-il aussi parfait que l’on voudrait bien nous le montrer ? La finance islamique est-elle réellement le « remède miracle » à la crise économique ?
Finance islamique et les pétromonarchies du golfe
La finance islamique a été originellement créée afin de permettre une adaptation de l’économie moderne avec les principes fondamentaux et immuables de l’Islam, tels que l’interdiction de l’usure (ribâ), de la spéculation (gharar) et des gains du au hasard (massir). A cette fin, de nombreux systèmes financiers furent élaborés afin de garantir aux musulmans des placements et des emprunts « hallals », afin qu’ils puissent conjuguer leur vie religieuse et sociale de la meilleure des façons.
Malheureusement, ce tableau idyllique cache de nombreux abus et faux-semblants qu’il est important de relever. Ainsi, et principalement dans les pays du golfe, si l’on s’interesse davantage aux placements proposés et si l’on gratte le vernis des produits bancaires islamiques, on se rend compte rapidement de la supercherie et de l’hypocrisie que peut alors cacher cette « finance islamique ».
En effet, les pays du golfe travaillant étroitement avec les grandes puissances occidentales et plus spécialement les Etats Unis, ces derniers ont réussi à monter des produits financiers d’une telle complexité que même le plus érudit des savants de l’islam aura bien du mal à déterminer son caractère légal ou non vis-à-vis du texte coranique, s’il ne se place pas à un point de vue supérieur lui permettant de s’interroger sur les fondements philosophiques et morales du capitalisme. Autrement dit, ce système astucieux de camouflage de produits financiers réguliers soi-disant en produits financiers islamiques permet ainsi aux banques occidentales de continuer à pratiquer leur système économique basé sur le profit et la spoliation du citoyen, tout en rendant ce dernier parfaitement acceptable pour une nouvelle clientèle musulmane jusqu’à il n’y a pas si longtemps tenue à l’abri de la société de consommation, mais dont la manne financière actuelle est non négligeable de nos jours (émergence des classes moyennes dans les pays du Maghreb, des nouvaux riches issus des pétromonarchies du golfe, présence musulmane désormais durable en Occident...)
L’interdiction de l’intérêt et de l’usure en islam est non simplement un commandement à observer pour chaque musulman à une echelle individuelle, mais il est avant tout un enseignement dont la sagesse doit se répercuter sur toute les institutions législatives et sociales d’une cité. Ces dernières sont plus à même de premouvoir les valeurs issues de ce commandement auprès des citoyens non en persévérant exclusivement dans la voie du pur conservatisme qui est l’application stricte de ce commandement (comme c’est le cas actuellement dans la plupart des pays appliquant totalement ou partiellement la charia), mais surtout dans la promotion et l’explication des philosophies de vie qui se cachent derière l’interdiction de l’usure tout comme les autres interdits de l’islam…tel est réellement le moyen le plus efficace pour combattre efficacement le vice et de bâtir une communauté humaine dans le vrai sens du terme.
Il est donc déplorable de voir qu’un système pensé à l’origine pour réguler l’échange marchand au sein d’une société qui ne devait perdre nullement de vues les valeurs supérieures qui fondent sa légitimité, se soit vu vidé de sens et gangréné progressivement par tout les dispositifs économiques modernes contemporains dont l’unique préocupation sont l’investissement, les bénéfices et la croissance économique. Telles sont réellement les valeurs des promoteurs occidentaux de la nouvelle finance islamique (1). Loin de tirer les enseignenements nécessaires du passé pour moraliser un secteur devenu véritable machine de guerre dirigée contre l’humain, ces derniers voient dans les pays musulmans et leur économie émergente un nouveau terrain de jeu dans lequel s’épanouit le capitalisme oligarchique, qui tel un virus, doit constamment de se trouver un nouvel hôte pour perpétuer sa reproduction et survivre.
Redéfinir la finance en islam
Que l’on ne s’y trompe pas, le but réel de la finance islamique (s’il devait y en avoir un réellement) est tel que nous l’enseigne l’islam, de protéger le débiteur contre ses créanciers (individu, institution ou autre), et de le libérer de toutes formes d’asservissement liés à l’argent. L’Islam ne nie donc aucunement la place de l’économie de marché dans la société, mais vient s’inscrire en tant que religion de certitude et morale transcendante, en imposant une éthique qui permet à terme de limiter les abus et les drames comme celui que représente la crise mondiale actuelle, qui a causé le ravage économique de populations entières, voir de pays. Parler de finance islamique est donc une erreur, il s’agit davantage d’un « islam en finance », où le sacré domine le profane, où les principes se placent bien devant les intêrets, et restent garants de la bonne marche de la société.
A l’heure où le capitalisme est devenu la norme au quatre coins de la planête et que ce modèle semble avoir triomphé de toutes les alternatives possibles, il revient aux musulmans, et notamment aux principaux responsables politiques musulmans, de faire un choix quand à l’orientation qu’ils veulent donner au destin de leurs pays : collaborer à un système dont tout les critiques ont démontré la barbarie, ou résister au nom des vrais valeurs de l’islam.
Quand à celles et ceux qui vivent dans un pays ne leur offrant aucune alternative possible, nous ne pouvons que leur conseiller de limiter leur activité bancaire aux placements non spéculatifs, afin de limiter au maximum leur participation à ces systèmes bancaires frauduleux et inhumains.
(1) Nous mettons en lumière à ce sujet le site internet Finance Islamique de France, qui a été crée par « Secure Finance », dont le comité éditorial (voir ici) se compose d’individus tenant des postes élevés dans de grands groupes financiers européens, dont la plupart tiennent une part importante dans la répercussion de la crise des subprimes sur l’état français.
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