La Ummah va mal : précarité sociale et économique, stérilité intellectuelle caractérisée par une sédimentarisation flagrante des idéologies, crise du savoir, absence de liberté et de démocratie, reproduction en série de régimes dictatoriaux, sans oublier toutes les nouvelles formes d'obscurantismes religieux apparus depuis quelques décennies … Ceci est malheureusement le triste constat que l'on est amené à faire à la vue de la carte du monde musulman. Celui-ci est actuellement dirigé par des chefs d'états et des dignitaires dont la majorité ont abandonné leur responsabilité vis-à-vis de leur peuple et se complaisent dans l'égoïsme, le despotisme et la corruption. Leur vanité n'a d'égal que la détresse et l'oppression dans laquelle vit la population placée sous leur responsabilité.
Or, comment cette civilisation qui a dominé le monde pendant cinq siècles en est-elle arrivée à cette situation désespérée ? La confusion entre le politique et le religieux si visible dans les pays musulmans est-elle le premier obstacle à la non-émergence d'un véritable état de droit dans ces pays ? Ou bien est-ce la dégénérescence des élites politiques locales qui veulent imposer dans leur pays un certain modèle occidental, sans tenir compte des spécificités culturelles et historiques de leur population, qui empêche l'émergence d'une réelle démocratie ?
Il est triste de devoir à chaque fois se référer aux ères califales et remonter en permanence dans l'histoire jusqu'au début de l'islam ou durant l'âge d'or de la civilisation musulmane pour trouver un véritable exemple de bonne gouvernance équilibrée entre le spirituel et le politique.
Car s'il y a bien une notion qui fut de première importance en islam, c'est bien celle incarnée par la fonction de calife, qui est censé garantir le développement temporel (la sécurité, l'économico-social...) le tout sans s'extirper de l'« essentiel » et sans oublier l'objectif majeur de l'homme sur terre (1).
Si nous avons déjà eu l'occasion de parler des quatre califes bien-guidés (Ar-Rashid) de l'Islam (2), compagnons du prophète Muhammad (PBSL) et qui lui succédèrent directement à la tête du futur empire musulman, il existe également un homme qui part sa piété et sa dévotion, fut un véritable « cinquième calife » bien guidé même s'il reste méconnu par bon nombre de musulmans de nos jours.
Cet homme illustre et pieux, s'appelle Umar Ibn Abd Al Aziz, descendant de Umar Ibn Al Khattab, par sa mère Umar Asim bin Asim, fille de Asim Ibn Umar, fils de Umar Ibn Al Kattab, le second calife bien guidé de l'Islam.
Umar Ibn Abd Al Aziz est né en l'an 682, lors du règne du calife Abd Al Malik. A la mort de ce dernier, son fils Al Walid Ier lui succéda, et Umar fut nommé gouverneur de Médine et à l'inverse de bon nombre de dirigeants de son époque, décida de s'entourer d'un conseil afin d'être à même de gouverner le pays dans les meilleures conditions possibles.
A la mort d'Al Walid, son frère Suleyman devin le nouveau calife Omeyade, mais il mourut deux années plus tard, non sans choisir comme successeur celui qu'il admirait le plus pour sa piété et sa grandeur d'âme : Umar Ibd Al Aziz.
Durant son califat qui dura seulement trois années, Umar se distingua de ses prédécesseurs par sa très grande piété et sa grande sensibilité et son engagement auprès des faibles.
Ainsi, ce calife se distingua auprès du peuple par sa chasse aux gouverneurs corrompus qui furent confondus et écartés de toute responsabilité politique, pour avoir prélevé insidieusement des impôts sur une partie de la population placées sous leur administration.
Sur le plan de la morale et de l'éthique, l'ascèse et la piété d'Umar Ibn Al Aziz était telle, qu'il refusait tout cadeau et présent que l'on venait lui apporter. La tradition rapporte qu'il demanda même à sa propre femme de se séparer de ses bijoux pour qu'ils viennent s'ajouter au trésor public. Pour marquer son rejet de la vie terrestre et du matérialisme sous toutes ses formes, il décida également de quitter son palais pour habiter dans une maison modeste, et de s'habiller de la façon la plus simple qu'il soit, au point que certains de ses visiteurs le confondirent avec son servant.
Ainsi, la grande spiritualité d'Umar bouleversa profondément sa vision du monde, au point que ce dernier en venait à regretter la responsabilité qui lui avait été offerte d'être calife (3)
A parcourir la biographie d'Umar Ibn Abd al Aziz (4) on ne peut être qu'admiratif devant le parcours exemplaire de ce calife bien éclairé, qui a toujours fait preuve de la plus grande retenue dans tout les actes et décisions de sa vie, ayant pour obsession majeure de réussir d'abord son au-delà en menant une vie simple et honnête. Il s'est aussi entièrement consacré aux plus démunis et aux plus faibles parmi son peuple auprès duquel il s'est toujours efforcé d'améliorer le quotidien. Et c'est là justement que réside la clé du succès dans son califat et de toute régence en général, de quelque nature quel soit (sultanat, califat ou encore présidence…), le détenteur du pouvoir devant montrer l'exemple à ses sujets en matière de piété et d'humilité, chose qui manque cruellement aujourd'hui en terre d'islam où l'égoïsme et l'aveuglement des élites sont aujourd'hui les principaux obstacles à la renaissance de la civilisation musulmane.
(1) Le « Calife » (Khalifat) qui signifie littéralement le successeur, où l'héritier (de l'enseignement du prophète Muhammad (PBSL). Cette haute responsabilité envers Dieu, dont il est le garant de la bonne application de sa parole et de ses ordres, lui confère l'obligation de veiller à la bonne marche de son royaume, et aux respects de la morale, sans négliger un instant les autres aspects profanes de la vie. Ce titre de calif fut définitivement aboli de la juridiction musulmane par un certain Ataturk en 1924.
(2) Pour plus de détails sur leur personne, se reporter à notre dossier « Les compagnons du prophète »
(3) « Je n'ai vu plus craintif envers Dieu qu'Al-Hasan Al-Basri et `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, à croire que l'enfer n'a été créé que pour eux. » (Yazîd Ibn Hawshab).
(4) se référer au livre « La vie du Khalife Omar Ben Abd Al-Aziz » d'Ibn Abd al-Hakam.
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