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    Sport et Ramadan : un sacré dilemme

    L’éternelle question se pose à nouveau dans le monde du sport. Pratiquer le Ramadan est-il compatible avec la pratique d’un sport de haut niveau ? Les avis des savants musulmans, des médecins et des sportifs divergent. Du côté des oulémas, le caractère obligatoire du Ramadan prime sur les activités d’un joueur ; pour d’autres, ils peuvent se dispenser du jeûne pour des raisons de santé. Du côté des médecins du sport et des entraîneurs, beaucoup déclarent que jeûner est dangereux et risqué tandis que d’autres élèvent leurs voix pour affirmer le contraire. Alors chacun s’adapte.

    Concilier sport et Ramadan est-il possible ou risqué ? C’est la question que se pose chaque année le monde du sport, notamment en cette saison estivale durant laquelle des pics de chaleur sont enregistrées. À cette interrogation, chacun a sa réponse.

    Du côté des joueurs de football, beaucoup ont déjà tranché. Les trois seuls joueurs musulmans du Real Madrid, à savoir Karim Benzema, Mahamadou Diarra et Lassana Diarra, ne pratiqueront pas le jeûne cette année. Certains, à l’image de l’attaquant marseillais Hatem Ben Arfa, ne font le jeûne que pendant les jours de repos, reportant ? ou non ? les jours non jeûnés à plus tard pour « raison de santé ».

    Enfin, de rares autres – du moins en Europe ? préfèrent s’acquitter de leur obligation quelles qu’en soient les conséquences comme Frédéric Kanouté du FC Séville, qui estime qu’il ne peut en être dispensé à moins d’être malade ou d’effectuer un voyage épuisant.

    Mais ce principe s’applique-t-il vraiment aux joueurs ? Réponse difficile car le débat, qui n’est toujours pas clos parmi les savants musulmans, conduit à une autre question : considère-t-on le sport comme un loisir ou un métier ?

    Le droit à la dispense religieuse, possible en sport ?

    Les fatwas ne règlent pas toujours l’affaire. En Égypte, par exemple, une haute autorité islamique égyptienne en a émis une, mercredi 26 août, autorisant les footballeurs à déroger au jeûne du Ramadan, ce qui a provoqué la colère de joueurs égyptiens et surtout d’oulémas d’Al-Azhar, dont certains sont connus pour être des références dans le monde musulman.

    « Jouer, c’est jouer, ce n’est pas une activité essentielle dans la vie qui justifie de rompre le jeûne du Ramadan », ont-ils estimé sur leur site internet, ajoutant que « le sport reste un loisir et non pas une profession ». Il est évident que cette affirmation est loin de mettre d’accord tout le monde, religieux ou non.

    Qu'ils soient préparés ou non, le danger guette les joueurs...

    Mis à part le spirituel, qu’en est-il du physique ? Du côté des médecins, la pratique d’un sport de haut niveau dans un état de jeûne peut évidemment comporter des risques pour la santé des joueurs. La déshydratation et l’hypoglycémie en sont les principales conséquences. Leurs performances s’amoindrissent au fil des courses, les risques de blessures tendineuses et musculaires sont plus élevés et de gros efforts effectués pendant la journée entraînent de plus grosses carences et de plus fortes fatigues, si ce n’est pire.

    S'il n'y a aucune préparation physique et mentale du joueur, on peut logiquement en conclure que le jeûne, et encore plus celui du Ramadan qui dure tout un mois, n’est pas compatible avec le sport professionnel car il est nécessaire de manger et de boire énormément d’eau pour compenser les gros efforts accomplis.

    C’est là que les avis divergent. Les joueurs peuvent-ils jeûner sans danger ? Non, pour la plupart des coachs européens, qui pensent que ce sont aux joueurs musulmans de s’adapter à leurs exigences.

    Ainsi, l’entraîneur de l’Inter Milan, José Mourinho s’est prononcé ouvertement contre le jeûne à l’issue d’un match de championnat italien, samedi 22 août, durant lequel il a sorti sans ménagement son milieu de terrain Sulley Muntari, de confession musulmane, au bout d’une demi-heure de jeu.

    Les réticences sont les mêmes pour Antoine Kombouaré, qui refuse d’aligner, les jours de match, les joueurs pratiquant le Ramadan. « J'ai une règle toute simple, que j'ai mise en place partout où je suis passé : pendant la semaine, il n'y a pas de souci, j'accepte. Mais les jours de match : interdit. Ceux qui font le Ramadan le jour du match restent chez eux. Je ne vais pas jouer avec la santé des joueurs ni mettre les autres joueurs en difficulté », a déclaré l’entraîneur du PSG la semaine passée.

    Plus compréhensif, Didier Deschamps a fait savoir qu’il n’est « pas là pour imposer, dire de ne pas le faire. (...) Ce sont des convictions personnelles qui doivent être respectées par tout le monde ». Il conseille, malgré tout, de ne pas jeûner les jours importants à ses yeux. « Je ne vais pas dire que ça pose un problème mais ce n'est pas évident de concilier les deux. »

    ... ce que contestent de nouvelles données scientifiques

    En revanche, Yacine Zerguini, un des médecins les plus qualifiés de la Fédération internationale de football ? également membre de la Confédération africaine de football (CAF) et du Comité olympique international (CIO) ?, estime que « la pratique du Ramadan n’est pas totalement incompatible avec la pratique du football de haut niveau, pour peu que l’on s’y prépare. Il est pour cela primordial de savoir avec précision les effets du jeûne sur l’organisme des footballeurs, pour adapter les programmes de préparation et d’entraînement, ainsi que les schémas nutritionnels ».

    Il suffit d’entourer de « précautions utiles », comme l’entraînement en soirée et le rééquilibrage de la prise des repas entre la rupture et le début du jeûne, et de respecter « deux éléments importants : le sommeil et un équilibre nutritionnel adéquat », a-t-il expliqué au site Fifa.com.

    La Fédération internationale de football (FIFA), par l’intermédiaire de son président Joseph S. Blatter, se laisse peu à peu convaincre de cet avis, au détriment de celles des entraîneurs et de leurs médecins du sport. « La recherche concernant les effets du Ramadan sur les joueurs musulmans, menée par le docteur Zerguini, s’est révélée être positive », a-t-il affirmé, lundi 24 août.

    L’aspect psychologique à prendre en compte

    Mais, en Europe, peu de clubs prennent en compte la dimension sacrée du Ramadan, contrairement aux clubs de pays musulmans, qui concilient sans problème sport et Ramadan.

    « Forts du statut et de la puissance financière des clubs européens, les dirigeants et entraîneurs font le forcing pour obliger les joueurs de confession musulmane à ne pas faire le Ramadan le jour de la compétition. Cette démarche ne repose sur aucune argumentation scientifique et médicale. Elle est fondée sur des convictions personnelles et "l’expérience du terrain", comme l’indiquent bon nombre d’entre eux », a fait savoir M. Zerguini.

    Quant au président de l'Union des communautés et organisations islamiques d'Italie, il affirme qu’« un joueur (musulman) pratiquant n'est pas affaibli. Nous savons grâce à l'institut de médecine du sport que la stabilité mentale et psychologique donne à un joueur un avantage sur un terrain. Un joueur qui est chrétien, juif ou musulman pratiquant est sans conteste plus calme psychologiquement, et donc plus performant ».

    Le début d’une réponse fondée sur des données scientifiques émerge mais reste encore peu entendu. Il est temps que les professionnels de la santé et du sport, d’une part, et les religieux, de l’autre, se réunissent pour produire un débat constructif sur le sujet, l’essentiel étant d’aboutir à des réponses convaincantes. Cela ne sera en tout cas pas pour cette année.

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    Dernière mise à jour : 01/08/2014 - Nombre visiteurs : 9992462
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