Au Caire comme à Riyad, la vie s’organise autour du ramadan
Pendant le ramadan, les tribunaux, les administrations, les écoles fonctionnent sans exception due aux rigueurs du jeûne. Mais si rien ne change, c’est parce que le mois de jeûne fait complètement partie de la vie sociale. C’est même plutôt l’ensemble de la société et de la vie économique qui s’adapte au rythme du mois le plus sacré de l’islam. Le jeûne y est moins perçu comme une épreuve que dans les pays occidentaux. D’abord parce que la quasi-totalité de la société respecte, du moins en public, l’interdiction de boire, de manger et de fumer du lever au coucher du soleil.
Mais aussi et surtout parce que les horaires sont organisés pour faciliter le respect du jeûne. Ainsi, les horaires des écoles - qui suivent le système de la journée continue - sont écourtés pour tenir compte de la perte de concentration et de la fatigue des élèves. L’ensemble des administrations et, par ricochet des entreprises privées, libère les employés plus tôt que d’habitude pour qu’ils soient rentrés à l’heure à la maison, afin de célébrer l’iftar, le repas de rupture du jeûne en famille. Ce qui, dans une mégalopole comme Le Caire, qui compte quelque 15 millions d’habitants, peut prendre plusieurs heures et engendre des embouteillages monstres. Mais à l’heure dite, lorsque retentit l’appel du muezzin, le miracle quotidien se reproduit pendant un mois: même au Caire, l’une des villes les plus bruyantes au monde, règne un silence impressionnant, troublé par le seul cliquetis des couteaux et des fourchettes.
A l’exception de la Turquie d’Ataturk et de la Tunisie de Bourguiba, la plupart des pays musulmans font de l’islam la base explicite ou implicite de leur législation et de leur «vivre ensemble». Avec le mouvement de réislamisation entamé dans les années 70, le non-respect du ramadan est devenu de plus en plus difficile à justifier, voire à pratiquer. Cela va de règles non dites, comme l’interdiction de vendre de l’alcool dans les (rares) bars égyptiens, qui en servent le reste de l’année, à la version la plus rigoriste qui prévoit, en Arabie Saoudite, des châtiments corporels en cas de violation des règles. Quel chef d’Etat musulman oserait boire, aujourd’hui, en plein jour une orangeade, comme l’avait fait Habib Bourguiba.
Certains économistes se sont amusés à calculer la perte de productivité due au ralentissement général pendant le mois de ramadan. Leurs études sont contestées par d’autres spécialistes, qui plaident pour que soient intégrés à ces calculs les bénéfices de la croissance supplémentaire dégagés par la surconsommation des ménages durant le ramadan. Comme quoi, même les statistiques sont une question de foi...
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