L’islamophobie ne cesse de s’accroître en Europe depuis cinq ans, où vivent 15 à 20 millions de musulmans, estime le nouveau rapport de l’Open Society Institute, qui analyse la situation des musulmans dans 11 villes de 7 pays de l’Union européenne, dont la France. La discrimination religieuse envers les musulmans est un obstacle de taille au sentiment d’appartenance nationale, constate la fondation américaine.
« Les conclusions de ce rapport, conformes à ceux d’autres recherches, suggèrent que les discriminations religieuses à l'égard des musulmans sont très répandues et ont augmenté au cours des cinq dernières années. Les musulmans nés en Europe, en particulier les femmes, sont plus susceptibles d’éprouver des niveaux plus élevés de discrimination religieuse que les musulmans nés à l'étranger. (...) Pour les musulmans, la persistance de la discrimination et des préjugés affecte leur sentiment d'appartenance nationale », note le rapport de l’Open Society Institute (OSI) publié mardi 15 décembre (à télécharger plus bas).
Intitulé « Les musulmans en Europe : un rapport sur 11 villes de l’UE » (« Muslims in Europe : A Report on 11 EU Cities »), le rapport de l’institut, fondé par le milliardaire philanthrope George Soros en 1993, est le résultat d’un an et demi de recherches effectuées entre janvier 2008 et juin 2009.
Il repose sur l’analyse de 2 200 entretiens approfondis en tête à tête de personnes issues de 11 villes de 7 pays européens : Amsterdam et Rotterdam (Pays-Bas), Anvers (Belgique), Berlin et Hambourg (Allemagne), Copenhague (Danemark), Leicester et Londres (Grande-Bretagne), Marseille et Paris (France) et Stockholm (Suède).
L’étude démontre clairement que la discrimination religieuse est « le principal obstacle à une participation pleine et égale » des musulmans au sein de leur société. « Les hommes musulmans nés en Europe éprouvent le plus de discriminations et de traitements injustes de la part de la police » et que « les élèves musulmans continuent à souffrir du racisme et des préjugés dans les écoles et sont confrontés à de faibles attentes des enseignants ».
L’intégration économique, le défi des musulmans européens
Alors que la plupart des travailleurs et de leurs familles vivent dans les quartiers pauvres des grandes villes industrielles, le rapport indique que la plupart des musulmans interrogés rejettent le communautarisme et « veulent vivre dans des communautés mixtes ». Les partis fondés sur l'identité ethnique et religieuse n'ont pas obtenu le soutien des électeurs musulmans. Mais nombreux sont ceux qui se trouvent confrontées à la discrimination dans l’accès au logement, « ce qui limite leurs choix », note l’enquête.
D’autant plus que les musulmans, notamment les femmes voilées, ne sont pas complètement intégrés sur le marché du travail. « Ils sont confrontés à des taux plus élevés de chômage et de pauvreté que la population générale. Ceux qui ont un emploi sont souvent (...) faiblement rémunérés, ce qui entraîne un risque accru de chômage » et les conduit à vivre dans des ghettos.
Bien que « les jeunes musulmans européens aient une plus grande confiance dans leur capacité à effectuer des changements locaux » que les personnes plus âgées, un nombre croissant de ceux qui se présentent à des fonctions politiques font face à des réticences de la part des partis en raison de leur origine ethnique ou religieuse.
Statistiques ethniques et droit de vote aux étrangers
Premiers visés dans la persistance et l'aggravation de la situation : les pouvoirs publics. Mais les médias ne sont pas en reste. Le matraquage médiatique dont font l’objet les musulmans dans différents pays européens a impliqué « le renforcement des stéréotypes négatifs et des préjugés ». « Il est nécessaire de prendre rapidement des mesures efficaces et durables aux niveaux des villes, des pays et de l’Union européenne pour lutter contre la discrimination religieuse », recommande le rapport.
Outre les campagnes nationales d’information permettant de s’assurer que les citoyens soient bien conscients des protections juridiques existantes, l’OSI suggère la mise en place des statistiques ethniques sur une base anonyme comme moyen de lutte contre les discriminations.
L’organisme évoque l’idée de naturaliser les personnes vivant de longue date sur le territoire européen et d’accorder le droit de vote aux personnes n’ayant pas la nationalité dans le cadre d’élections locales afin d’accroître la légitimité démocratique des hommes politiques se présentant dans les zones à forte population issue de la diversité.
Mais ces recommandations sont loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique, particulièrement française, pour qui ces réformes sont sujets à controverse.
« L’Europe doit tenir ses promesses d'une société intégratrice et ouverte », a déclaré Nazia Hussain, directrice du projet « At Home in Europe » au sein de l’OSI. « L’interdiction récente des minarets en Suisse est un signe évident que le sentiment antimusulman est un véritable problème en Europe. Beaucoup d’Européens pensent que l’identité religieuse est en quelque sorte un obstacle à l’intégration, alors que la majorité des musulmans interrogés s’identifie fortement à la ville et au pays dans lequel ils vivent. Le rôle de la ville est crucial pour lutter contre la discrimination mais également pour ouvrir la voie à l’intégration d’une population diversifiée ».
Plutôt qu’un débat sur l’identité française, qui dérape aux yeux de nombreux musulmans, un grand débat sur les discriminations, facteur empêchant l'intégration, serait le bienvenu.
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