La souffrance a toujours pris une part importante dans la vie de l’être humain. Tout être vivant, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, sera amené à souffrir. L’Islam rapporte d’ailleurs à ce propos le verset suivant du Coran : « Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits… » (Coran 2:155)..
Mais si l’on regarde la suite de ce verset et les deux versets suivants, on constate que cette souffrance est loin d’être gratuite, et constitue en quelque sorte le passeport obligatoire pour l’être humain vers l’au-delà, et à travers duquel il aura atteint son but spirituel ultime : « … Et fais la bonne annonce aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint : “Certes nous sommes à Allah, et c'est à Lui que nous retournerons”. Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde; et ceux-là sont les biens guidés. » (Coran 2:155-157)..
Ceci nous enseigne donc que la souffrance, si dure qu’elle soit, constitue néanmoins une réalité que l’homme ne peut nier, et qui fait partie intégrante de son existence. Aussi, endurer la souffrance représente une épreuve courageuse par laquelle Dieu purifie ses adorateurs de leurs péchés ou leur fait prendre conscience du caractère éphémère de leur existence.
« Tous les maux qui affligent le musulman qu'il s'agisse de fatigue, de maladie, de soucis, de tristesse, de préjudices, d'afflictions (de tous ordres) jusqu'à l'épine qui le blesse sont autant de motifs que Dieu allègue pour absoudre ses péchés. ». (Hadith du prophète (PBSL)-Rapporté par Al-Boukhari et Mouslim)
A l’opposé de cette vision, on trouve désormais l’homme moderne, qui semble indisposer à envisager toute possibilité de souffrir. Ce dernier s’efforce de conserver son capital émotion intacte de toute souffrance, comme si cela représentait le but même de son existence.
En partant de ce constat, il devient impossible de croire que l’homme puisse accepter les multiples revers de la vie et faire preuve d'une certaine « verticalité » en acceptant de souffrir parfois au nom d'une mise à l’épreuve ou au nom d'un idéal supérieur.
« Naître pour ne pas souffrir », préserver au maximum son corps et son esprit, s'éterniser le plus possible sur terre dans la jouissance tant que cela est possible, tel semble être le credo adopté par l'homme moderne, dorénavant complètement « détournée » du Ciel et allergique à toute religion imposant une certaine forme de souffrance à ses fidèles pour atteindre le salut. L’homme du troisième millénaire savoure quant à lui, chaque seconde de sa « trop courte » vie, quitte à dépenser le plus d’argent pour améliorer son confort, son bien être, son espérance de vie, et ainsi penser « repousser » l’échéance finale : « Profiter de l’instant présent au maximum comme si c’était le dernier ».
Une telle vision de l’existence, a contaminé peu à peu les mentalités en Occident au point de s'ériger en « nouvelle pensée dominante ». Elle a aussi fortement contribué à désacraliser le sens même de la vie, et par extension celui de la mort. Comment peut-on à ce point de nos jours vouloir nier la réalité même de la souffrance, et le fait qu’elle a toujours fait partie intégrante de la vie des hommes ?
Il n’est pas étonnant, à la vue d’une conception aussi matérialiste de la vie, que l’homme en vienne à tenter de mettre fin à ses jours, une fois qu’il semble s’être persuadé que le « fardeau » de son existence (douleurs, maladie, pauvreté…) n’est plus supportable.
Mais là encore, l’Occident a depuis quelques années déjà innové en la matière, en mettant en pratique un nouveau procédé déjà autorisé dans de nombreux pays occidentaux (Belgique, Hollande …), appelé faussement euthanasie (que l’on pourrait traduire à partir de sa racine grecque comme « bonne mort »), que les médias n’ont fait que populariser depuis. Ce procédé de mort soi-disant « propre » permet à tout un chacun de mettre un terme définitif à son existence, sans souffrance (dit-on) dans la mesure où il ne laisse aucune place dans la vie ni à l’espérance ni au mystère ; toute personne désireuse de mettre un terme à une vie « trop difficile » peut se permettre, moyennant finance, d’arrêter définitivement sa douloureuse existence.
A ce propos, le président d’une association qui milite farouchement pour la légalisation de l’euthanasie en France a affirmé dans une interview donnée récemment au monde (14/08/08), et nous faisons là que le citer textuellement : « si nous avions [en France] une loi comme celles en vigueur en Hollande ou en Belgique, nous aurions dix mille demandes d'aide par an (…) Nous avons absolument besoin d'une loi de liberté qui respecte les droits de chacun. ». Comment peut-on afficher aussi fièrement et avec autant d’aisance une opinion aussi infrahumaine comme si elle s’inscrivait dans une normalité irréfutable ? Cette exclamation subversive montre bien à quel point l’homme moderne est tombé bas, car si pour le moment cet avis n’est pas partagé par la majorité de la classe politique française, ce n’est qu’une question de temps ; le déchainement des forces maléfiques qui régissent le monde actuellement ne s’arrêtera que lorsqu’elles auront conduit la plupart des gens à la ruine.
Dans une société obsédée par la mesure et le control de toute chose il était irrémédiable que l’on arrive à une volonté de maîtriser la souffrance et même la mort. Comment l’Occident a-t’il pu en arriver là ? Comment se fait-il que l’idée même de la souffrance, que les adeptes du « Paradise-Engineering » visent à éradiquer, ne soit plus vue pour ce qu’elle est réellement, c'est-à-dire une étape indispensable pour chacun dans la voie de l’amélioration de soi-même, du perfectionnement spirituel ou à moindre échelle de la relativisation de sa propre existence.
Bien sûr pour en arriver là, il fallait bien autosuggestionner et prédisposer les mentalités, réaliser un travail de fond pour amener l’homme doucement mais sûrement à se détacher de sa religion. Ce fut l’œuvre des modernistes en tout genre (philosophes, scientistes...) qui très tôt ont préparé le terrain à l’avènement de l’état d’esprit dans lequel le monde sombre actuellement. Ce sont ces mêmes individus qui clament aujourd’hui haut et fort que l’humanité a besoin d’une « nouvelle ère spirituelle », qu’ils exultent sous l'appellation trompeuse de « new-age ». Comme si l’on pouvait renouveler la spiritualité en agissant de la même manière qu’avec les choses bassement matérielles.
Mais le plus frappant encore chez nos contemporains est que face à la perspective de la "non existence", la peur de la mort est devenue secondaire ou anecdotique devant la peur de la souffrance, bien plus effroyable aux yeux des modernes. « Mourir oui, mais sans souffrance ! ». Cette volonté de ne plus accepter aucune douleur dans la vie comme dans la mort, risque fort bien d’amener le concept même de « souffrance physique » à ne plus appartenir qu’à notre mémoire collective comme une époque révolue.
Concernant le suicide, il est d’ailleurs assez comique si l’on se place du point de vue que nous avons pris l’habitude d'assumer, de voir que même là, l’homme moderne reste en décalage complet avec ses ancêtres concernant les questions de la souffrance et de la mort. On connaît ainsi la position des « anciens » sur le suicide, qui fut longtemps considérée (sous certaines circonstances), comme un acte hautement « altruiste ». Citons simplement ici l’exemple extrême-oriental des samurais, pratiquant le Seppuku, en suivant le code strict du Bushido.
Pour revenir à ce qui nous intéresse, nous dirions que pour toutes les traditions religieuses, qu’elles soient d’obédience chrétienne, juive, hindouiste ou autre, le suicide bien qu’étant pratiqué occasionnellement, a toujours été considéré comme un acte formellement interdit et un péché gravissime. Car il est souvent considéré comme un acte "contre-nature", opposé au don divin de la vie.
L'Islam s’inscrit donc dans cette vision et condamne également le suicide, et au Coran d’enseigner : « Ne vous enlevez pas la vie" et avertit que ceux qui désobéiront à cette règle seront irrémédiablement "précipités dans les flammes »
Dieu enseigne ainsi à travers le Coran à respecter la vie humaine et à la préserver sainement et ce quelle que soit la raison ou la cause pouvant amener la personne à commettre cet acte irréparable : « … Et ne vous tuez pas vous-mêmes … » (Coran 4:29) ; « C'est pourquoi nous avons prescrit pour les Enfants d'Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes.… » (Coran 5:32)
Le prophète Muhammad (PBSL) a dit dans un hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim que l'un des châtiments que le suicidé subissait en Enfer pour l'éternité n’était rien d’autre que l’acte même par lequel il s’était donné la mort : « Quiconque se précipite du haut d'une montagne et se tue sera jeté dans la géhenne où il ne cessera de dégringoler éternellement ... et celui qui se tue avec une arme de fer, alors l'arme de fer restera dans sa main, et il se poignardera sans interruption dans son ventre et s'éternisera dans le feu de l'enfer, à jamais. »
L’islam enseigne donc qu’il est important de se rappeler que si insoutenables et difficiles les souffrances de la vie peuvent paraître, il n’appartient qu’à Dieu seul de délivrer ses créatures du malheur, car c’est lui et lui Seul qui détient le pouvoir de "donner" et de "reprendre".
Le croyant ne doit donc pas avoir peur de la souffrance, car cette dernière fait partie de la condition humaine, et qu’il est de son devoir de ne pas chercher à y échapper mais de se préparer spirituellement à l’affronter. Même les saints ont eu droit à leur part de souffrance dans ce monde. Il suffit de méditer sur le cas du prophète de l'islam (PBSL), qui a souffert des jours et des nuits, avant de rendre son dernier souffle et de rejoindre son Créateur. Et pourtant, il n’a cessé de glorifier Dieu pendant cette période d’agonie, et ne s’est que rarement plaint de la douleur qui accablait son corps.
Quand aux mécréants qui s’imaginent échapper à la souffrance, puisque leur horizon mental étroit et borné ne les a jamais conduit à concevoir autre chose au-delà du monde sensible dans lequel ils évoluent, le Coran rapporte que leur "chute finale" sera brutale, avant même que leur âme ne rejoigne la demeure de Vérité. Ceci se traduit au moment de leur mort par un passage dans un état intermédiaire dont les souffrances ne sont que les prémices du grand châtiment qui les attend dans l'au-delà : « Si tu voyais les injustes lorsqu'ils seront dans les affres de la mort, et que les Anges leur tendront les mains (disant) : "Laissez sortir vos âmes. Aujourd'hui vous allez être récompensés par le châtiment de l'humiliation pour ce que vous disiez sur Allah d'autre que la vérité et parce que vous vous détourniez orgueilleusement des Ses enseignements". » (Coran 4:29)
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