L’homme est un être formidablement complexe, car il est le seul sur terre à avoir la conscience de sa propre existence. En sus, chacun est libre de vouer cette dernière à ce qui le motive, et peut projeter ses idéaux, ses rêves et ses aspirations en lesquels il croit. Tout ceci serait merveilleux, si cela n’était pas un énorme et subtil mensonge distillé par notre société moderne, chantre de la « sublimation des passions ».
Car quoi qu’on en dise, il n’existe qu’une seule Vérité principielle, vers laquelle tout un chacun doit projeter sa vie, car elle est une réalité si évidente et éclatante que seul un « aveugle » dénoué de sens ne peut entrevoir. N’est-il pas ainsi étonnant de voir l’homme le plus athée et le plus rationaliste, revenir instinctivement vers Dieu, face au danger et au désespoir, alors qu’il pourrait en accord logique avec sa pensée areligieuse, relativiser sa position et ne point se soucier de ce qu’il pourrait lui arriver s’il venait à mourir ? Ou autrement dit, s’accroche-t-on réellement à la vie par pur amour pour celle-ci ou par peur de ce qui nous attend dans l’au-delà ?
Quelle leçon l’homme peut-il tirer, si ce n’est l’existence d’un ordre supérieur qui le dépasse, face à des catastrophes aussi incontrôlables que les raz de marées ou les cyclones, qui prennent de nombreuses vies sans que quiconque ne puisse les prévoir suffisamment à l’avance ou ne songe à réduire leur impact ?
C’est d’ailleurs sur cette épineuse question de l’existence d’une intelligence suprême, qui parait à première vue insoluble pour l’homme moderne, que semble se développer une nouvelle discipline de la médecine moderne nommée « neuro-théologie ». Discipline dont l’objectif est d’identifier et rationaliser les mécanismes du cerveau humain poussant les hommes à croire en Dieu.
Car l’homme possède bel et bien « l’appareillage » nécessaire dans sa constitution biologique (1), qui le prédisposerait à croire. C’est en tout cas la dernière conclusion à laquelle sont arrivés des neurobiologistes après plusieurs expériences scientifiques (Science et Vie N°1055 Août 2005). Celle-ci risquerait bientôt de faire tomber pas mal de théories athéistes sur l’origine de l’homme et sur son devenir après la mort, formulées depuis le siècle des Lumières.
Cependant, s’agit-il vraiment d’un nouvel horizon pour la science, qui lui permettra de se rapprocher d’un pas vers cette Vérité, que les traditions religieuses n’ont pas cessé de proclamer depuis la nuit des temps, ou s’agit-il simplement d’une énième découverte scientifique destinée à faire encore de la propagande scientiste et qui n’apportera rien de nouveau pour l’homme ? Autrement dit, la jonction entre la science expérimentale et les données traditionnelles (qui rappelons-le dans une civilisation "normal" sont intimement liées), devrait-elle amener l’homme moderne à se diriger vers le chemin de la croyance ou s’agit-t-il d’une cause perdue d’avance ?
A en juger par l’histoire de la science moderne et de la pensée contemporaine en Occident, rien n’est moins sûr, car la démarche qui consiste à partir du point de vue profane pour légitimer ou même prouver l’existence du sacré est une démarche inappropriée et risquée, qu’il convient de prendre toujours avec précaution. Et à regarder la facilité avec laquelle les théories scientifiques arrivent à se contredire mutuellement au fil du temps, il n'y a guère lieu à s'enthousiasmer face à l'établissement d'un énième postulat scientifique ou d'une nouvelle découverte.
Depuis l’avènement du siècle des Lumières, de nombreux scientifiques et philosophes, jugés aujourd’hui comme les pères fondateurs de la pensée moderne, ont contribué à détacher l’homme de plus en plus de la religion, pour au final le rendre totalement athée et fier de l’être. Ces « penseurs modernes », hostiles et haineux envers la religion (qu'ils jugaient responsable de tout les malheurs et traumatismes de l'homme) ont également formulé à travers leurs théories plus de questions qu’ils n’en ont résolu. Quelques soient les raisons qui ont inspirées leur œuvres, ces derniers n'ont fait qu'aggraver davantage le désordre mental en Occident et accentuer la confusion dans l’esprit des gens, faisant de la « préservation de soi » et de la recherche de l'intérêt individuel les principales préoccupations de l'homme moderne et les fondements même de sa civilisation, et rendant au passage la question de l’existence d’un au-delà complètement insoluble pour le commun des mortels.
Si l’athéisme fut le moteur de la révolution industrielle en Occident et un leitmotiv non négligeable pour promouvoir le progrès technique au siècle dernier, promettant au passage à l’homme un monde meilleur ici bas (make a world a better place comme disent les américains), il faut savoir que les nouvelles croyances scientistes et philosophiques (ou parfois une combinaison des deux) apparues de nos jours semblent quant à elles destinées à lui inculquer « l’espérance » en un autre monde qui soi-disant serait plus humaniste, rempli d’amour et dépourvu de toutes souffrances physiques ou morales, comme pour réparer les dégâts causés par le matérialisme par le passé. Dans le nouveau monde que l'on nous promet, tout être humain, par une spiritualité retrouvée (2), pourrait être son propre Dieu, vivre en paix avec son prochain, et aspirer naturellement par une philosophie tournée vers lui-même à un monde meilleur, non dans l’au-delà qui importe peu tant que l'on se maintient en vie, mais toujours sur Terre... C’est ainsi que les nouvelles spiritualités se construisent sur les vestiges passés de l'athéisme et du matérialisme, tel un homme qui tente aveuglément de bâtir une nouvelle maison sur des fondations déjà condamnées à la ruine pour emprunter un langage coranique.
A revenir donc aux dernières conclusions de la science moderne, l’être humain ne serait pas uniquement destiné à vivre par et pour lui-même dans un monde athée et profane, mais aurait en quelque sorte besoin de croire en une entité suprême et transcendante, à même de guider sa vie et de lui apporter par la spiritualité cet « équilibre » qui lui est indispensable pour vivre sereinement.
Ce renversement des tendances comme nous allons le voir par la suite ne touchera pas seulement les disciplines scientifiques, mais s’exprimera à l’avenir de plus en plus nettement dans d’autres champs comme pour consolider doctrinalement toutes ces nouvelles philosophies et « spiritualités » qui vont pulluler au cours du XXIème siècle et qui réconcilieront enfin l'homme moderne avec sa "nature religieuse" (d'ou la prophétie d'André Malraux « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. »
Depuis quelques années, l’athéisme commence donc à battre de l’aile, et l’esprit religieux revenant à la charge, les hommes se découvrant une certaine "religiosité" et la nécessité de s’éveiller à nouveau à la spiritualité, d’où l’émergence de toutes les littératures et courants de pensée qui se réclament aujourd'hui d'impulsion « spirituelle » tels que le new-age, les nouvelles philosophies indiennes (3) ou même le bouddhisme moderne ; ces « pseudo-spiritualités », qui sont en réalité des divagations sentimentalistes qui ne sortent guère du champ psychologique et mental de l'homme attirent, par leurs conceptions simplistes et exclusivement tournées vers l'homme, de plus en plus d'adeptes de par le monde. Incapables d'élever les gens qui les pratiquent à la Vérité, ces contrefaçons de spiritualité sont en vérité plus destinées à meubler à court terme le "vide intérieur" de l'homme moderne et amortir sa "dépression existentielle", que de lui procurer une réelle initiation spirituelle. De plus, le fait que ces nouvelles croyances ne s'intéressent que très peu au devenir de l'homme dans l'au-delà (à contrario des religions révélées), est assez révélateur sur leur assise spirituelle, ainsi que sur la véritable intention de ceux qui les font promouvoir. C'est là un lapsus révélateur, qui devrait interpeller tout authentique chercheur de vérité.
La vraie spiritualité n’a quant à elle guère changé depuis que l’homme est sur Terre. Certes elle s’est manifestée dans des formes religieuses diverses, mais son socle métaphysique n’a point varié et il n’a subit depuis le temps aucune altération. L’homme traditionnel s’est toujours conformé à cette réalité, en faisant toujours l’effort de s’élever vers la Vérité, et non en prétendant la faire descendre à lui et l’arranger en plus à sa guise comme le fait grossièrement l’homme d’aujourd’hui. Ce dernier, relègue impunémenet la religion au dernier rang de ses préoccupations, ou quand il s'y intéresse la réduit à une vulgaire "religiosité" passive et taciturne. Pis encore, on en arrive même de nos jours à fabriquer purement et simplement sa propre spiritualité (4).
Le message islamique, en plaçant l’au-delà au centre de toute la vie du croyant (5), ou autrement dit en prenant l’Unicité Suprême (Wahdatul Wujud) pour le principe régisseur de toute existence (6), s’inscrit dans la continuité de ce qu’ont toujours enseignées les anciennes traditions.
C’est à partir de cet angle de vue, que la dernière révélation du Ciel, refuse de faire ne serait-ce qu’une concession pouvant entraîner une déformation de sa doctrine originelle. Si l'islam met autant l'accent sur la nécessité d'une allégeance totale de l'homme à l'autorité Suprême, c'est que cette dernière constitue la condition sine qua none pour aspirer enfin au salut intérieur et à la réalisation de cette paix universelle, qui manque tant à notre monde aujourd'hui. Mais l’homme moderne est-il réellement prêt à abandonner ses schémas de pensée fortement matérialistes et sentimentalistes pour bouleverser sa propre existence et accepter la Vérité ?
Le Coran est d’ailleurs construit en ce sens, car il interpelle directement l’être humain, le faisant interroger sur sa propre création, ainsi que celle de l’Univers qui l’entoure, pour qu’il admette de son plein gré et par sa propre conscience à la différence d’autres créations (7), la réalité de l'Unicité divine, réalité cosmique que l’homme traîne au plus profond de son être.
A ce propos un célèbre verset coranique, illustre fort bien cette Vérité innée que nul n’est censé méconnaître : « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d'Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : "Ne suis-Je pas votre Seigneur ?" Ils répondirent : "Mais si, nous en témoignons..." - afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : "Vraiment, nous n'y avons pas fait attention", » (Coran 7 :172)
L'Islam est donc la dernière révélation nous permettant de comprendre réellement notre place parmi la Création et qui nous enseigne que par l'abandon à la Suprême volonté de l'Unique, il devient facile de réveiller cette Vérité universelle qui sommeil en chacun de nous et d'éviter ainsi toute dégénérescence à posteriori qui contribuerait à la corrompre.
(1) Se référer aux découvertes du Dr A. Gernez et de ses conclusions sur la différence entre l'« intelligence cerebrale » et l'« intelligence cellulaire » qu'il distingue remarquablement.
(2) Il s’agit en réalité d’une contrefaçon de la spiritualité, qui se note par la médiocrité de ses conceptions qui n’ont rien à envier aux schémas humanistes et matérialistes des autres « pseudo spiritualités » déjà formulées par le passé en Occident. La spiritualité qui ne projette pas l’homme dans l’au-delà n’en est pas vraiment une.
(3) Dont une des dernières apparues et qui se développera certainement davantage un jour en Occident est celle de Sri Aurobindo. S’inspirant des théories matérialistes, elle va même par son « yoga intégral » jusqu'à introduire l’évolutionnisme dans la spiritualité. Ainsi Aurobindo parle-t-il d’une certaine « évolution mentale vers un état de ‘supra conscient’ qui permettrait de manifester pleinement la conscience divine dans la matière ». Ce qui démontre clairement le degré de contamination de sa pensée par les philosophies évolutionnistes et matérialistes qui l'ont précédées en Occident.
(4) Il est digne de remarque que dans le monde matériel qui obéit à des lois sensibles, on ne se permettrait jamais sous peine de sanction « naturelle » de suivre son propre instinct ; mais que l’on se basera plutôt sur une science confirmée, ou l’expérience des anciens pour enrichir son savoir et surmonter les difficultés. Dans le domaine spirituel, il se passe curieusement tout le contraire, où l’homme moderne par pure « paresse » bouleverse l’ordre des choses et ne fait aucun effort pour s’élever à la Vérité. Se contentant d'obéir à son « instinct émotif » ou à la « circonstance générale », il prétend avoir la possibilité à tout moment de faire descendre la Vérité à lui. C’est à l’intention de ces hommes là que le Coran proclame : « Ils ne font que suivre la circonstance (a-dân), et que la circonstance n’enrichit guère la Vérité ». (6 :148) ou dans un autre passage : « Dis : “Avez-vous quelque science à nous produire ? Vous ne suivez que la conjecture et ne faites que divaguer ». (10 :36).
(5) Les anciennes doctrines orientales et occidentales exprimaient l'Unicité divine par des dogmes tels que le concept de la « roue cosmique » du Yin Yang, « l'invariable milieu » exprimé dans le Taoïsme, la « roue du dharma » des bouddhistes ou la « Rota Mundi » des Rosicruciens.
(6) Se référer aux écrits de Mohyidin Ibn Arabi sur le concept de Wahdatul Wujud
(7) A ce sujet le Coran rappelle en s’adressant aux mécréants : « que désirent-ils d'autre que la religion de Dieu? Alors que se soumet à lui, de grès ou de force, tout ce qui est dans les cieux et la terre, alors que c'est vers lui qu'ils seront ramenés! » (3:82) Dans un autre passage nous lisons : « Puis Il S’est tourné vers le ciel, qui était alors fumée, et lui a dit, ainsi qu’à la terre : « Venez tous deux, de gré ou de force », et tous deux ont répondu : « Nous venons, obéissants. » (41 :11)
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