Une mosquée à Ground Zero ?

La reconstruction de Ground Zero a eu son quota de controverses -- sur l'indemnisation des familles des victimes, sur celle des sauveteurs affectés par toutes sortes de maladies liées aux débris des tours, sur le mémorial aux victimes, etc. Une nouvelle controverse vient juste d'éclater autour de la création d'un énorme complexe islamique près de Ground Zero. Ce projet entraîne même une bataille sémantique. Ses opposants parlent d'une mosquée "à" Ground Zero. Il a fallu que le New York Times précise qu'en réalité ce complexe de 100 millions de dollars verrait le jour "près" du site des deux tours détruites par les membres d'Al Qaeda le 11 septembre 2001. Mais "près" est encore trop près.

Il y a quelques mois, les Américains, et les New Yorkais en particulier, ont découvert avec un certain étonnement qu'un groupe islamique, mené par l'imam Feisal Abdul Rauf, avait le projet de construire à deux rues de Ground Zero _ très exactement au 45 Park Place _ un complexe de 15 étages, qui comprendrait une mosquée, un restaurant, une piscine. Prix de ce multiplexe islamique: $100 millions, dont on ne sait toujours pas d'où ils proviennent. Le site est si proche du lieu où se tenaient le World Trade Center, que des morceaux de ces gratte-ciel sont tombés sur le 45 Park Place. Lorsque l'affaire a été révélée par le New York Times, l'imam affirmait que la construction de son centre serait "le message inverse de celui du 11 septembre", qui a tué près de 2.800 personnes.

Même si certains ont trouvé quand même incongru, voire insensible à ce que représente désormais Ground Zero dans la conscience des Américains, la décision de construire un centre islamique si près du site, les différentes commissions de la ville chargées de donner leur avis sur ce projet, ainsi que Michael Bloomberg, le maire de New York, ont approuvé le complexe qui, lentement mais sûrement, allait obtenir les autorisations qui auraient permis son édification. Le soutiens au projets agissaient en fonction du principe de tolérance religieuse. Certains voyaient également un geste de réconciliation, d'autant que l'imam est soufi, une branche spirituelle de l'islam, éloignée de l'islam intégriste qui prédomine.

Mais vendredi, un groupe juif très influent et modéré, The Anti Defamation League (ADL), a fait savoir son opposition au projet. "La construction de ce centre n'est pas une question de droit," affirme l'ADL, "mais de ce qui est juste." Cette déclaration a soudain révélé l'hostilité généralisée au projet non seulement à New York, mais dans tout le pays. Il est même devenu un argument de campagne pour les élections de novembre prochain, dans des Etats pourtant très éloignés de la tragédie de 9/11. Pour de nombreux Américains, Ground Zero est une terre sacrée, comme l'est celle des batailles de la guerre de Sécession et le projet de l'imam Feisal Abdul Rauf est vu comme un nouvel acte d'agression. "Ce n'est pas une histoire de religion," s'est offusqué l'ancien Speaker de la Chambre des Représentants, Newt Gingrich. "C'est manifestement un acte agressif et c'est une offense." Des propos qui font écho aux sondages montrant une opposition largement majoritaire dans le pays à la construction de la mosquée.

Mardi prochain, la commission des sites historiques doit se prononcer. Son vote, qui était acquis, est désormais incertain.

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