La crise des caricatures danoise

Une nouvelle publication de satires de Mahomet fab>it craindre, deux ans après «l'affaire», de nouvelles tensions avec la communauté musulmane.

Riga

Grands lecteurs de journaux, les Danois n'ont guère pu échapper aux caricatures du prophète Mahomet, hier en feuilletant leurs gazettes favorites. Dix-sept quotidiens nationaux et régionaux, toutes tendances confondues, ont publié un ou plusieurs des dessins à l'origine d'une polémique d'ampleur mondiale, il y a deux ans. La caricature la plus reproduite, hier, est une tête de Mahomet en forme de bombe, avec une mèche enflammée au sommet.

Par cette initiative, les journaux ont voulu exprimer leur solidarité avec l'auteur de ce croquis, Kurt Westergaard, qui a échappé à un complot visant à l'assassiner. C'est du moins la conviction de la police du royaume. Mardi matin, elle a arrêté trois musulmans qui, selon elle, voulaient attenter à la vie du Danois, âgé de 73 ans. Même le quotidien Berlingske Tidende s'est joint aux autres journaux. Il s'était refusé jusqu'à présent à reproduire les caricatures, pour ne pas jeter de l'huile sur le feu. Et par défiance envers les motifs réels du Jyllands-Posten, à publier en premier ces dessins, en septembre 2005. «Indépendamment des discussions d'alors sur la liberté et le devoir d'expression, sur la provocation et la tolérance, il est inacceptable qu'un dessinateur danois soit la cible d'islamistes fanatiques», explique le Berlingske Tidende.

L'arrestation des trois suspects, un Danois d'origine marocaine et deux Tunisiens, a choqué bon nombre des 5,5 millions de Danois, qui pensaient en avoir fini avec «l'affaire des caricatures». Il y a deux ans, leur pays s'était retrouvé au cœur d'un maelström qui lui avait complètement échappé.

Changement de ton

Les choses s'étaient peu à peu tassées. À Copenhague, on avait renoué le dialogue avec des organisations musulmanes locales. Celles-ci ont réagi de manière mitigée à la relance de l'affaire. «Cela ne sert pas notre cause que certains veuillent se faire justice», estimait mardi Kassem Ahmad, le président de la Communauté islamique, la plus influente organisation musulmane du royaume.

Hier, le ton a changé. L'organisation a dénoncé la volonté des autorités d'expulser les deux Tunisiens vers leur pays d'origine. En vertu d'une loi adoptée après les attentats du 11-Septembre, Copenhague peut utiliser une telle procédure, sans procès. «Une injustice aussi criante ne pourrait qu'alimenter la radicalisation» des musulmans danois, avertit la Communauté islamique. «Nous craignons de perdre le contrôle.»

À l'étranger, les esprits commencent de nouveau à s'échauffer. En Indonésie, un dirigeant d'une organisation musulmane de 50 millions de membres a vilipendé la floraison des caricatures dans la presse danoise. Le ministère danois des Affaires étrangères estimait hier que la situation restait sous contrôle. Pour combien de temps ? À Copenhague, Kare Bluitgen, auteur de livres sur Mahomet, va publier, comme prévu, un nouvel ouvrage sur le sujet le 14 mars. Avec des dessins du prophète, «pas des satires», assure-t-il. «Si nous cédons aux menaces, tout est perdu.»

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