Analyse d'un article de propagande sur l'islamophobie

La sclérose intellectuelle mine l'occident par ces temps de crise, jusqu'à La Clau quand elle sort des clous du « politiquement incorrect correct ». Critique de l'immobilité de la pensée.

Souvent, sous couvert d'intellectualisme, validé ou non par des titres universitaires trompeurs, se cache la propagande la plus simple. Et souvent, mise bout à bout, la succession des écrits révèle l'objectif de l'auteur, du plus global jusqu'au, malheureusement, le plus local. Cela importe peu quand la justesse et la pertinence de la pensée sont utiles, mais à l'heure où ce dont nous avons le plus besoin est justement la libération de la pensée, ces postures idéologiques d'un autre temps sont sclérosantes sinon destructrices. La crise au delà de son aspect économique nous aspire à penser et à reconstruire un monde futur, non pas pour l'achever sinon pour y aspirer. C'est de cette dynamique dont nous avons besoin, aspirer à de nouvelles cités idéales que l'on appelait « Espérance », selon Charles Péguy, comme d'autres les nommait « Progrès », cité platonicienne, voire communiste. Mais même si les cités célestes dans le premier cas et terrestres dans le second cas ont échoué, l'histoire ne s'arrête pas là. Et ce n'est pas d'Islam dont traite l'actuel sujet de la Clau mais justement de cette aspiration dans les sociétés occidentales, la dynamique musulmane en étant une prégnante face à l'incroyance de la société en ses fondements. Avec la crise, et après la mort de la cité idéale communiste symbolisée par 1989, c'est la cité idéale capitaliste anglo-saxonne qui semble s'écrouler en 2009. Ce ne doit pas être une incitation au retour en arrière, mais une incitation à creuser dans les profondeurs de la pensée occidentale. En gros, être fort sur ses bases pour pouvoir regarder loin devant.

La quintessence de la propagande de gauche traditionnelle

Revenons donc sur l'article de propagande consultable ici et appelons-le par exemple « La fonction politique de l'islamophobie » ou « Espantocells », c'est-à-dire « épouvantail ». Il commence par une série de clichés dont on n'avait plus connaissance depuis au moins quinze ans, à savoir la crainte démographique de la multiplication démographique, n'ayons pas peur des mots, des « Arabes » tous regroupé sous la banderole « musulmane », comme-ci un arabe ou un maghrébin était forcément musulman et tous les musulmans étaient forcément arabes. On en rajoute dans le rôle de bouc émissaire, et on sent déjà poindre Himmler. Premier espantocells : Le Pen années 90. On fait ensuite une liaison Le Pen-Sarkozy, peu évidente tant le second fait tout pour donner une visibilité et une légitimité à ceux dont le premier dénonçait les effets à venir. Deuxième espantocells : Sarkozy. Résumons : tous ceux qui décrivent ou analysent un phénomène collectif musulman en France ne feraient que brandir une menace mainte fois brandie par Le Pen pour réunir la communauté nationale face à un ennemi commun. Sarkozy en a repris le flambeau, donc, implicitement, ses soutiens ou ses électeurs sont plus ou moins racistes et islamophobes. En conclusion, celui qui émet des critiques envers l'Islam en France est islamophobe et sarkozyste, et tous les soutiens de Sarkozy sont islamophobes. Ben oui ! En plus, c'est trans-social (le gaullisme doit relever, selon l'auteur, de la même logique). Pire! Si on lit la suite de l’article, on apprend ni plus ni moins que cette islamophobie est le levier du projet anti-démocratique, sous-entendu de droite, puisque servant à masquer les inégalités sociales. Ben c'est normal puisque cette théorie a été inventée par le vrai nazi (rejeté par les nazis, mais bon), Carl Schmitt, troisième espantocells. Résumé pour ceux qui n'ont pas compris:

Critiquer l'islam = Le Pen = Sarkozy = Carl Schmitt = Hitler = le mal absolu

Refuser de dépasser le concept droite/gauche en célébrant le triomphe de l'un sur l'autre

Malheureusement, on ne connaît que trop ce genre de rhétorique. La réalité est en général beaucoup plus complexe, l'histoire aussi. Ce genre d'argumentaire n'a pu fonctionner qu’à la faveur d’un certain terrorisme intellectuel issu de la libération et du drame de 39-45 qui a rayé d'un trait de plume des pans entiers de la pensée occidentale sur le même modèle. Le général De Gaulle lui-même refusait le vocable de « droite », sachant pourtant très bien qu'il était lui même issu de la tradition de pensée catholique qui occupait la droite de l'assemblée avant-guerre et dont l'antijudaïsme, chrétien, n'avait rien à voir avec les théories racistes de l'auteur de Mein Kampf. Le philosophe Carl Schmitt fût membre du parti nazi mais en fût rapidement écarté et ne passa que 18 mois en détention après Nuremberg. Il partageait d'ailleurs le même vote et la même défiance que l'immense philosophe Martin Heiddeger. Ces intellectuels avaient en commun de partager, avec d'autres, un positionnement politique conservateur et antilibéral dans l'après 14-18. On leur fait souvent porter des responsabilités qu'ils n'avaient pas. Les uns et les autres n'étaient ni socialistes ni racistes comme l'étaient les nazis de 1943. François Mitterrand lui-même était issu de ce milieu, et c'est sans doute pourquoi il n'a jamais compris l'énorme polémique autour de sa Francisque, son adhésion à « la solution finale » lui étant inadmissible. C'est d'ailleurs sans doute plus la déchristianisation de l'Europe qui aura fait décliner l'antijudaïsme et paradoxalement croître l'antisionisme, et l'islamisme croissant des pays arabes qui aura fait croître les deux. L'antisémitisme racial n'étant plus qu'une croyance pour quelques illuminés. L'assimilation de la pensée conservatrice au totalitarisme et au racialisme que fut le nazisme est une escroquerie qu'il ne faut plus avoir peur de dénoncer, si on veut enfin dépasser l'illusion progressiste ou régressiste, du religieux ou de l'idéologie. Ou en s'appuyant sur Serge Halimi paraphrasant Paul Nizan, le grand père d'Emmanuel Todd auquel on fait dire ce qu'on veut sauf l'essentiel , finissons-en enfin avec ces intellectuels « chiens de garde » du système, dont l'article propagandiste ainsi commenté est un exemple.

PS : pour en revenir à Emmanuel Todd dont on caricature souvent le propos, il théorisait la chute de l'empire soviétique dès 1976 (La Chute finale, Éditions Robert Laffont, Paris, 1976) puis la fin de l'empire économique américain dont la crise de 2008 pourrait être un prémisse (Après l'empire, Essai sur la décomposition du système américain, Gallimard, Paris, 2002 ). Son très bon travail sur les systèmes familiaux en France puis en Europe (L'Invention de la France, en collaboration avec Hervé Le Bras, Éditions Pluriel-Hachettes, Paris, 1981) puis (L'Invention de l'Europe, Seuil, coll. L'Histoire immédiate, Paris, 1990) est une source précieuse d'analyse, souvent rejetée parce que jugée trop simpliste. Tombant pourtant et souvent assez juste, elle est basée sur, d'une part, les impacts démographiques, et d'autre part anthropologiques, pour expliquer les grands phénomènes sociologiques et historiques. Dans son dernier ouvrage (Après la démocratie, Gallimard, 2008 ), Emmanuel Todd constate la montée de l'individualisme et surtout la fin de la double structuration de la société française au XXème siècle, religieuse d'un côté et idéologique de l'autre, et les tentations d'oppositions ethnicistes de l'autre (stigmatisation de l'islam que l'article suscité relevait), ce qui me semble en contradiction avec la partie initiale de son propos, la critique de l'Islam relevant davantage du refus de la structuration religieuse de la société que du pur ethnicisme . Enfin, la partie la plus polémique du propos de Todd est la mise en place d'un protectionnisme économique à l'échelle européenne. Il en est aussi le plus intéressant, bien que politiquement très incorrect.

A Lire également :

Etats-Unis : une irakienne assassinée sauvagement pour ses origines

Riposte Laïque coupable de provocation à la haine envers les musulmans

Une journaliste infiltrée dénonce « l’islamophobie » du FN

Islamophobie, la recette gagnante : Marine Le Pen élue à la tête du FN

Profanations de tombes musulmanes à Tarascon : inquiétante inflation d’actes racistes